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Faucons et colombes et pourquoi pas pigeons. Si tous les noms d’oiseau ne se valent pas, ils offrent une perspective imagée, nécessairement schématique, mais finalement pas si éloignée du rapport de force européen dans la gestion de la crise grecque. Pugnaces et résilients, les oiseaux blancs ont fini, du moins provisoirement, par céder sous les assauts des rapaces, après des semaines de discussions, au bout de l’épuisement et au bord du gouffre. Et sauf intervention de dernière minute des pigeons, la loi du plus fort va l’emporter et il pourrait bien y avoir un dindon de la farce.
L’Allemagne, chef de file des faucons
Traditionnellement, on parle de faucons et de colombes surtout pour caractériser la politique américaine. Sur le plan politique, les rapaces seraient partisans d’une ligne dure, concernant les affaires internationales et militaires. A cet égard, le président George W. Bush, le vice-président Dick Cheney et le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld seraient les parfaits archétypes des faucons, notamment pour avoir défendu l’invasion de l’Irak en 2003.
Sur le plan monétaire également, existent faucons et colombes. Dans ce cas, les rapaces sont les personnalités mettant le maintien d’une inflation basse au premier rang de leurs priorités, tandis que les colombes ont plutôt tendance à davantage favoriser la croissance ou l’emploi. Selon cette logique, la Banque centrale allemande, la Bundesbank, est régulièrement considérée comme un faucon. Cette dernière a par exemple manifesté un grand scepticisme lors du lancement, par Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, des opérations de ‘quantitative easing‘ début 2015, destinées à relancer l’investissement et la croissance européenne. Une décision qu’avait par exemple soutenue la Banque d’Italie.
Dans le cas de la Grèce, évidemment, la presse française et européenne n’a pas manqué de reprendre cette allégorie animalière. Et il n’est pas difficile d’identifier qui sont les faucons. Ils se nomment Allemagne, Finlande, Pays-Bas, Slovaquie, ou encore pays baltes. Les trois premiers sont des pays riches, connus pour leur sérieux budgétaire, dirigés par des gouvernements conservateurs ou libéraux et dont la lassitude vis-à-vis de la Grèce et du gouvernement d’Alexis Tsipras a atteint des sommets. Quant aux seconds, il s’agit d’Etats membres moins fortunés, gouvernés par des partis de gauche comme de droite, qui ne comprennent pas qu’un pays plus riche comme la Grèce ait droit à des largesses infinies de la part de l’Europe.
La France et l’Italie, colombes vaincues
A l’inverse, les colombes européennes sont principalement la France et l’Italie, deux pays où le centre-gauche est au pouvoir et qui ont multiplié les gestes de soutien au gouvernement grec. Pour que ce dernier obtienne un nouveau plan de sauvetage, mais aussi pour que la question de la restructuration de sa dette soit abordée.
La prise de bec entre faucons et colombes fut donc rude et longue. Celle-ci fut bien sûr diplomatique et non pas frontale, même si l’unité de façade entretenue par Angela Merkel et François Hollande a bel et bien commencé à se fendre. La première semblait de moins en moins s’émouvoir d’un possible Grexit et ne voulait pas discuter d’un rééchelonnement de la dette grecque, jugeant Alexis Tsipras indigne de confiance. Le second ne cessait quant à lui de répéter qu’une sortie de la Grèce de la zone euro serait une catastrophe et que la dette du pays est en l’état insoutenable.
Au final, de toute évidence, le faucon a eu raison de la colombe. L’accord trouvé le 13 juillet accable la Grèce. Le gouvernement de gauche radicale, au pied du mur, a accepté de réformer le système des retraites, d’augmenter la TVA dans un grand nombre de domaines et, surtout, de consentir à une large perte de souveraineté.
L’Union européenne aura en effet un droit de regard sur la politique nationale grecque, des coupes budgétaires seront quasiment automatiques en cas de dérapage et un Fonds sous surveillance européenne va être créé pour encadrer les privatisations à venir. Faucon parmi les faucons, Wolfgang Schäuble, ministre allemand des Finances, voulait en plus que ce Fonds soit basé au Luxembourg. Alexis Tsipras a au moins obtenu qu’il soit installé en Grèce.
Ainsi, de l’avis de nombreux observateurs – pas seulement français – le peuple grec pourrait bien être le dindon de cette « farce » européenne. De fait, les nouvelles réformes structurelles acceptées par le Premier ministre devraient avoir, du moins à court terme, un impact négatif sur la croissance, l’emploi et le niveau d’endettement. Un nouveau tour de vis potentiellement contreproductif pour un pays déjà à bout de force.
La Grèce pourra-t-elle compter sur les pigeons Lagarde, Juncker et Draghi ?
La seule lueur d’assouplissement pour le pays pourrait provenir, paradoxalement, de la troïka, aujourd’hui pudiquement appelée « Institutions » (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). De fait, le FMI, par l’intermédiaire de sa directrice, Christine Lagarde, estime qu’une restructuration de la dette grecque est indispensable. Sa participation au nouveau plan d’aide pourrait même en dépendre car l’institution ne prête qu’à des Etats susceptibles de rembourser à une échéance prévisible. Même son de cloche du côté de la BCE et de M. Draghi. Pendant les négociations, l’institution basée à Francfort a appliqué son devoir de réserve, laissant aux dirigeants la responsabilité politique. Or maintenant que l’accord est trouvé, la BCE n’a pas tardé à juger la nécessité de l’allègement de la dette grecque « indiscutable« . Quant à la Commission européenne, cette dernière a toujours cherché à trouver un terrain d’entente avec Athènes.
Pour poursuivre dans la comparaison avec les volatiles, la Commission, la BCE et le FMI seraient donc des « pigeons », naviguant à mi-hauteur entre les faucons et les colombes et partisans d’une ligne plus équilibrée. C’est en tout cas comme ça que sont appelés les centristes en matière de politique monétaire.
Toutefois, considérer qu’ils sont susceptibles de voler au secours de la Grèce est peut-être prématuré. Le FMI particulièrement fut un interlocuteur difficile pour Athènes ces derniers mois et on imagine mal l’institution se montrer généreuse, d’autant moins que ses statuts indiquent qu’elle doit être remboursée en premier. De la même manière, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, qui n’a pas ménagé ses efforts pour trouver un accord, a mal vécu d’être taxé de « terroriste » par Yanis Varoufakis, le désormais ancien ministre grec des Finances.
Au fond, seul Mario Draghi pourrait être un véritable allié. La BCE a maintenu les banques à flot afin d’éviter à la Grèce le défaut de paiement et, d’une manière générale, tend de plus en plus à dépasser ses prérogatives et positions traditionnelles pour favoriser la reprise économique en Europe. Il faudra dans tous les cas une escadrille de choc pour assurer le redressement de la Grèce.