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L’Europe est de retour sur l’agenda médiatique et cela mérite d’être souligné. Après plusieurs années de silence voire de tétanie avec les crises concomitantes des réfugiés, du terrorisme, du populisme et de l’euro, l’avenir de l’UE revient enfin dans le débat.
Les Britanniques, qui s’apprêtent à voter sur leur appartenance à l’Europe, n’y sont d’ailleurs pas étrangers. Quel que soit le résultat de ce référendum, le statu quo ne sera plus possible et des personnalités européennes de premier plan comme Jean-Claude Juncker, président de la Commission, ou encore le fédéraliste Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre belge devenu l’une des figures majeures du Parlement européen, prônent désormais ouvertement un approfondissement de l’intégration, quitte à bâtir une Europe à plusieurs vitesses.
Les Républicains, « parti de l’Europe » ?
En France, cette question de la refonte de l’Europe entre naturellement dans le contexte de la campagne pour la prochaine élection présidentielle, dont les protagonistes sont d’ores et déjà dans les starting-blocks.
Outre le Front national, qui a fait de l’Europe l’une de ses principales croisades, les Républicains viennent d’organiser une « journée thématique » consacrée à l’Europe et entre deux discours pour le moins alarmistes, Nicolas Sarkozy s’est bien présenté comme le patron du « parti de l’Europe« . En parallèle dans la presse et en ordre dispersé, ses concurrents – Alain Juppé, François Fillon ou encore Bruno Le Maire – ont eux-aussi présenté leurs projets, plus ou moins radicaux mais plutôt semblables, de refonte de l’Union.
« Nouveau traité européen » et « gouvernement de Schengen » pour l’ancien président. Renforcement du « noyau dur de la zone euro » et « harmonisation fiscale progressive » pour M. Juppé. Une « Europe des nations fortes » avec des politiques approfondies en matière énergétique, numérique et de défense pour M. Fillon. « Nouvel élan franco-allemand » et référendum sur « les modifications des traités nécessaires » pour M. Le Maire. Les candidats LR à la candidature ont pour point commun de jouer la carte du volontarisme.
L’inventaire de François Hollande
Face à ces propositions des Républicains et, bien entendu, celles du Front national pour qui l’Europe est une vieille croisade, la gauche également n’esquive pas le sujet, pourtant globalement tabou depuis le rejet de la constitution en 2005, qui avait profondément divisé le parti.
Le 3 mai, sur la scène du théâtre du Rond-Point, en clôture du colloque La gauche au pouvoir, orchestré par trois think tanks – la Fondation Jean Jaurès, Terra Nova et la Fondation européenne d’études progressistes – c’est François Hollande en personne qui s’est chargé du sujet, au milieu d’un véritable discours de campagne en forme de bilan de son quinquennat. Bec et ongles et non sans flamboyance, le chef de l’Etat s’est en effet exprimé devant un parterre de journalistes et de dignitaires socialistes, dont Manuel Valls, Claude Bartolone, Jean-Christophe Cambadélis, Bruno Le Roux, ou encore Hubert Védrine. Gratifié au passage d’une standing-ovation M. Hollande n’aura probablement pas boudé son plaisir, même si le public lui était acquis.
Cherchant à faire fructifier le nouveau slogan du quinquennat – « ça va mieux » – et à tirer profit du frémissement des indicateurs économiques, M. Hollande a fait défiler économique, finance et travail. « C’est parce que c’est difficile que la gauche est au pouvoir, pas le contraire« , a-t-il déclaré d’emblée. Avant d’ajouter un premier bon mot : « au pouvoir, il n’y a ni calice, ni délice, il y a le progrès« .
« La crise de la zone euro a duré plus longtemps que je ne l’avais imaginé« , a reconnu le président, rappelant également que « les prévisions économiques n’ont jamais été respectées« . Le discours du Bourget, qui lui revient pourtant si souvent dans la figure comme un boomerang, n’est pas occulté : « J’avais dit ce qu’il fallait en dire« , a-t-il déclaré sans sourciller. Et le chef de l’Etat d’énumérer ses réformes en la matière : « Union bancaire européenne« , « séparation des activités spéculatives des dépôts« , « protection dans lanceurs d’alerte« .
Les anaphores, marque de fabrique du président, sont de sortie, tout comme ses traits d’humour, qu’il ne peut laisser de côté trop longtemps. Par exemple lorsqu’il place le compromis au cœur de son action politique, tout en précisant que si cela n’avait tenu qu’à lui, il aurait utilisé le terme « synthèse« , mais que malheureusement aujourd’hui « le mot est galvaudé« .
Quelle Europe pour la gauche ?
En revanche, outre devoir affronter la colère et la déception persistantes des Français à son égard – ces derniers, encore plus qu’à la droite attendent de la gauche qu’elle puisse « tout changer« , comme l’a rappelé l’historien Alain Bergounioux – le probable futur candidat aura également à formuler un projet d’avenir pour le pays.
Notamment sur l’Europe, domaine pour lequel François Hollande s’est contenté de reprendre d’anciennes propositions jamais encore concrètement mises en œuvre. Elles s’appellent « Parlement de la zone euro« , « budget propre« , « Europe de la défense« , « plus de solidarité« . Le chef de l’Etat promet de les soumettre à ses homologues au lendemain du référendum britannique.
Ce dernier rappelle au passage que « nous ne sommes pas seuls en Europe » et qu’il existe « une certaine résistance de le part de nos partenaires » à l’idée selon laquelle « la France seule peut conduire l’Europe« . Certes, mais on ne pourra s’empêcher de penser que ces pistes pour l’avenir de l’UE auraient gagné à être lancées en 2012, notamment alors que le candidat Hollande promettait de rééquilibre le Pacte budgétaire européen, et pas à un an d’échéances électorales à hauts risques tant pour lui-même que pour la chancelière allemande, sans qui rien ne pourra se faire.
L’économie, en 2017 encore, devrait d’ailleurs être le nerf de la guerre pour un éventuel projet européen de gauche. Intervenu avant François Hollande, l’ancien Premier ministre italien Massimo D’Alema n’a pas mâché ses mots pour appeler sa famille politique à s’éloigner de « l’hégémonie de la vision néolibérale de la mondialisation« , qui a causé le déclin de la gauche selon lui. Au tournant des années 2000, l’Europe était très majoritairement sociale-démocrate, a-t-il rappelé.
Pour M. D’Alema, dernièrement, la gauche au pouvoir « n’a pas été capable de garantir la justice sociale et la réduction des inégalités« . Et la montée des populismes constitue un risque mortel supplémentaire pour les socialistes : celui de « rester dans le carcan de l’establishment traditionnel et devoir coopérer avec la droite dirigeante« . La relance de l’Europe, et par la même occasion de la gauche, passera par une « plateforme nette et claire d’alternative à l’austérité« .
Un message d’alerte qui s’adresse naturellement au Parti socialiste français, mais plus généralement à tous les centre-gauche européens, comme le SPÖ autrichien, le SPD allemand, le Labour britannique ou encore le PSOE espagnol qui, à des degrés divers, souffrent tous de la défiance de leurs électeurs traditionnels.