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La petite victoire de la gauche italienne

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"Fondez un parti ! On verra combien de voix vous remporterez !". Piero Fassino, maire de Turin et chef de file du Parti Démocrate, s'adressait ainsi à Beppe Grillo en juillet 2009. Le comédien de Gênes avait alors lancé son "Mouvement 5 étoiles". Aujourd'hui, au lendemain des élections législatives, la vidéo de cette déclaration fait le tour de la toile : "c'est un 'epic fail'", commente-t-on sur le net. Le Mouvement de Grillo est le premier parti italien, devant le Parti démocrate. 

Pourtant, il y a à peine deux mois, quand Mario Monti démissionnait, la gauche italienne était sûre de sa victoire. Le Parti démocrate sortait tout juste de ses primaires, auxquelles plus de trois millions d'Italiens avaient participé. Silvio Berlusconi annonçait pour la sixième fois sa candidature aux élections mais il s'agissait de "son dernier coup de dés", selon la plupart des observateurs. Monti hésitait encore sur son avenir politique.

Que s'est-il passé durant ces 60 jours ? Beppe Grillo a traversé à la nage le détroit de Messine, Berlusconi a promis de rembourser 4 milliards d'impôts payés par les Italiens (avec son argent personnel, si nécessaire), Mario Monti a adopté un chien, nommé "empathie", pour montrer que lui aussi a un cœur… Et Pier Luigi Bersani ?

Le leader de la gauche italienne, privé de charisme et mal à l'aise devant les caméras, a préféré faire profil bas. "Je ne vous demande pas de m'aimer, je vous demande de me croire", avait dit Bersani lors du deuxième tour des primaires, qu'il avait remporté contre le jeune Matteo Renzi, maire de Florence. Bersani s'est donc limité à gérer son avance électorale, tandis que ses adversaires promettaient monts et merveilles. Mais le jour des élections, cette stratégie n'a pas payé.

Le jour J, les Italiens, habitués à voter sous le soleil, se rendent aux bureaux de vote pour la première fois en hiver. La neige et la pluie qui tombaient sur la majeure partie du pays ont rendu la journée encore plus grise, bien différente de la "très belle matinée" que Giorgio Gaber décrit dans sa chanson "Le elezioni" (les élections). Désenchantés et blasés, les citoyens qui entrent dans les écoles fermées n'ont pas l'air de croire à leurs candidats. D'ailleurs, un sur quatre va mettre une croix dans la case du Mouvement cinq étoiles : plus qu'un vote, un véritable "vaffanculo" aux autres partis.

Devant les bureaux de vote, quelques affiches électorales couvrent les murs des bâtiments. "Pour recevoir le remboursement de l'impôt foncier tu dois voter pour le Peuple de la liberté", titre une affiche bleue délavée. "Nous défendons les plus faibles et les familles", assure la réclame de Pier Ferdinando Casini, allié de Monti et parlementaire depuis 1983. L'affiche du Parti démocrate reflète le style de son leader : fond gris, texte blanc et police simple. Seuls deux mots, "L'Italie juste", à côté d'un premier plan de Bersani, son alliance bien visible.

"Nous ne devons pas répondre aux provocations", a répété Bersani pendant la campagne. Une stratégie de communication trop proche de celle de Nanni Moretti dans son "Aprile" : "restons calmes, il faut tout d'abord rassurer l'électeur". Dans le film de Moretti sur les élections de 1994, c'est Berlusconi qui est élu le lendemain du scrutin. Cette fois-ci, le Parti démocrate a tenu, mais toute son avance électorale a disparu.

La coalition de gauche a remporté 29,54% des voix contre 29,13% pour la coalition de droite, guidée par Berlusconi. Assez pour remporter une prime de majorité et pouvoir compter sur 55% des sièges à la Chambre des députés. Mais pas assez pour avoir la majorité absolue au Sénat, où il faudra chercher des alliés. Non pas au centre (qui dispose d'à peine une vingtaine de sénateurs), mais parmi les rangs de la droite ou du Mouvement cinq étoiles.

Soudain, c'est un ancien comédien taxé d'antipolitisme qui a les cartes en main.


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